Philippe Boney : « La CAF a bradé la souveraineté du football africain »

 

Le dernier symposium de la CAF a accouché de plusieurs décisions et reformes. Parmi ces dernières, l’organisation de la CAN désormais estival et le passage de 16 à 24 nations pour la phase finale. Les avis se partagent concernant ces différents reformes. Dans un entretien accordé à Bénin Football, Philippe Boney, Journaliste sportif à Vox Africa a analysé ses reformes au micro de Martial Sehomi.

Bénin Football : Philippe Boney bonjour.
Philippe Boney : Bonjour

B. F : À partir de 2019, la CAN va changer de visage. Elle passera de 16 à 24 nations. Ce changement est -il la bienvenue ?
P.B: Toute révolution est toujours la bienvenue si elle propose des innovations positives. La CAN 2019 et ce grand changement devrait plutôt enchanter l’Afrique du football. Mais on a l’impression que c’est tiré par les cheveux, que c’est fait dans la précipitation et c’est pourquoi ça irrite une bonne partie de footeux africains. Le changement devait être proposé et faire l’objet de profonde réflexion avant d’être adopté. Le Cameroun avait hérité de l’organisation de la CAN 2019 en répondant à un cahier de charges. Et alors qu’il a déjà de grosses difficultés à tenir les délais et satisfaire ce cahier de charges, la CAF en rajoute en changeant des règles de jeu en pleine préparation du pays hôte de 2019. Exactement comme l’on pourrait changer les règles d’un match en pleine rencontre. Rien ne justifie cette précipitation.

B.F : En vous suivant on déduit que tout a été fait dans la précipitation. Et d’aucuns vous diront que tout a été fait pour mettre à l’écart tout ce qui se rattache à l’ancien président de la CAF Issa Hayatou comme le Cameroun. Vous confirmez cela ?
P.B : Je ne peux pas confirmer puisque je ne lis pas dans les pensées de ceux qui ont pris cette décision. Mais ce changement manque de subtilité et trahit une envie de règlement de comptes et une volonté d’en découdre…Si c’est en rapport avec l’ancien président de la CAF, je dirais que les gens qui ont suscité cette décision ont tout faux parce que le Cameroun ne peut pas se résumer à Issa Hayatou. Dois-je rappeler ici que plus d’un Camerounais n’était pas d’accord avec l’ancien président et que ses rapports avec la presse sont exécrables. Mais ce n’est que des supputations et je préfère considérer ça comme tel parce que si c’était avéré, cela relèverait simplement de la bassesse.

B.F: L’un des points d’orgue de ce symposium concerne aussi le changement de période. La CAN ne se disputera plus en hiver mais en été entre les mois de juin et juillet. Alors c’est réglé le problème de calendrier qui se pose pour les joueurs africains évoluant en Europe et qui sont partagés entre rejoindre leur sélection nationale ou rester dans leur club ?
P.B: C’est une réforme longtemps proposée par l’ancien président de l’UEFA Michel Platini mais à laquelle la CAF avait toujours opposé une fin de non-recevoir. Avec son adoption, on se rend compte de la fragilité de l’institution CAF qui ne tient finalement que par la puissance et l’influence des hommes qui tiennent son gouvernail. Les grandes puissances footballistiques occidentales avaient déjà du mal à libérer les joueurs pour leur sélection. Ils ont fait le lobbying et manœuvré pour que les joueurs qu’ils disent payer cher restent en club en fin de championnats. Mais la CAF vient de prendre une autre décision des plus impopulaires et improductives pour le football africain.

B.F: Le contexte africano-africain a-t-il été pris en compte dans cette décision de la CAF d’organiser la CAN en hiver du moment où on sait qu’il y a certains championnats nationaux du continent qui ne se terminent pas toujours à bonne date ?
P. B : C’est en tenant compte de tous les paramètres que je conclus à l’impopularité de cette révolution. La CAF a bradé la souveraineté du football africain en sacrifiant complètement ce qui se fait sur le continent et en ne privilégiant que les intérêts des « gros porteurs ». On avait déjà du mal à joindre les deux bouts sous l’ancienne formule. On aura deux fois plus de mal à rester debout.

B.F : L’aspect météorologique ne pourrait-il pas poser problème quand on sait qu’entre juin et juillet c’est la grande saison des pluies en Afrique subsaharienne ?
P.B: C’est l’un des critères vitaux pour la réussite d’une CAN en terre africaine. C’est d’ailleurs l’une des raisons des nombreux rejets de cette réforme par le précédent bureau exécutif de la CAF. Maintenant en l’acceptant, le président Ahmad et ses pairs se disent : sauvons le football de club européen le reste on verra. Certaines de nos pelouses sont impraticables en début d’année malgré qu’on soit en petite saison. Que seront ces pelouses avec le déluge qui s’abat sur certaines villes en milieu d’année ? Je crains pour notre compétition majeure.

B.F : Deux années nous séparent seulement de 2019. Accueillir 24 nations pour une CAN, c’est disposer plus de stades 6 voire 8. Est-ce- que le Cameroun a les moyens pour relever ce défi infrastructurel en un temps record ?
P.B : Il y a plus d’un motif d’inquiétude lorsqu’on voit les choses telles qu’elles se passent sur le terrain des différents sites retenus. Mais on était déjà dans le même ordre de pessimisme et de crainte lors de la préparation de la CAN féminine de 2016. Et tout c’était passé relativement bien. Actuellement, il y a un certain nombre d’actions entreprises pour aplanir les incompréhensions et assainir le climat suspicieux qui est né à la suite de la décision de la CAF. Le président de la FECAFOOT, Tombi A. Roko s’y attèle et même, selon mes informations, le Chef de l’État aurait décidé de s’impliquer personnellement en adressant une invitation au président Ahmad de la CAF. Je peux aussi me fier aux propos du président Tombi A Roko qui a déclaré que le Cameroun abritera bel et bien la CAN. Et que son pays accompagnera la CAF et respectera son cahier de charges de 24 équipes avec six stades.

B.F : Philippe Boney, merci.
P.B : Merci à vous.

Entretien réalisé par Martial SEHOMI

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