Heureuse défaite qui nous revaudrait la refondation du football

Défaite du Bénin

Dans le confrère de la matinée datant du lundi 6 Juin 2011, Venance Agodokpessi titrait à propos de la débâcle des Ecureuils le match de la honte. L’objectivité et la sincérité sportive nous commandent d’ajouter : Le match de la honte programmée.

- En vérité, ce dimanche, sur le rectangle vert et sous un soleil clément et généreux, le Bénin a voulu tricher avec le football.  » Heureusement « , mal lui a pris. En toute logique, il subit le supplice et le verdict réservé aux coupables et aux tricheurs. Le Bénin du football a été puni par la déontologie du ballon rond. Et c’est normal.

- En effet, la culture du raccourci, de l’illusoire et du vide utopique, de la myopie a exposé l’étendue de sa finitude, de ses failles et ses déficiences.

- Pour des sportifs bons teints, avertis, le deuil imposé par les Ivoiriens aux amis du cuir rond Béninois n’a l’air d’aucune surprise et d’aucune imprévisibilité. Certains étaient tellement assurés de leur pronostic, qu’ils jugeaient inopportun tout déplacement au stade de l’amitié. Chapeau les devins !

- Mais au-delà des polémiques et des tensions inhérentes à toute défaite honteuse, il convient de faire une catharsis. Cet exutoire, cette remise en cause propre aux grands esprits, ce métanoia digne des hommes épris de défi et d’ascension s’avère impératif pour une refondation du football au Bénin. On ne peut pas effectuer des changements fondamentaux sans une certaine dose de folie disait à raison feu Thomas Sankara. Et de poursuivre… pour ce faire, il faut être non conformiste, avoir le courage de tourner le dos aux anciennes formules, et celui d’inventer le futur. Car c’est parce- qu’il y a des fous dans le passé que nous pouvons agir avec une extrême clairvoyance aujourd’hui. J’aimerais être l’un de ces fous.

Puisqu’il faut s’essayer à cette bonne folie, puisqu’il faut tenter un exercice de positivisme et d’optimisme éclairé, puisqu’il faut oser une extraction du bien au cœur du mal sportif puant et infect de ce 5 juin, 2011, je dirai de mon point de vue que l’humiliation historique de ce Dimanche sonne comme une défaite salutaire.

A dire vrai, c’est un échec prometteur pour peu qu’on examine le mal non aux feuillages, ni à la périphérie mais aux racines. Car la crise est plus que profonde. Ceci étant, pour la refondation du football au Bénin, nous devons sans passion et sans chauvinisme outrancier incorporer et intégrer dans notre schème de pensée et notre culture sportive le symbole 6/2. Ceci pour plusieurs raisons

- 6/2 sera désormais un acte fondateur, un repère et un cadre référentiel.

- 6/2 symbolisera la date de naissance du déclin de l’irrespect et l’agonie de l’irresponsabilité.

- 6/2 servira à la fois de témoin mais aussi de boussole qui nous tracera la trajectoire du plus jamais ça

- 6/2 sera pour la postérité et les générations futures la devise qui refuse l’amnésie de la tragédie du 5juin. Il nous rappellera la règle sacro-sainte de  » la vénération  » du drapeau par ricochet une conscientisation patriotique.

— 6/2 sera omniprésent dans les esprits comme mise en garde, vigilance, prudence. Pour signifier aussi que tout échec est un succès ajourné et reporté. Pour la concrétisation d’un tel idéal, il nous faut à tout prix sonner le glas des vieux démons.

- Crions haro sur la corruption, l’amateurisme qui minent l’arène. Crions haro sur toute forme d’opposition à la révolution, l’ assainissement et l’aseptisation des mentalités.

- Livrons à l’autodafé, l’indignité, la nullité, le ridicule, la raillerie, le culte du mensonge et du faux suicidaire, le mythe des forces occultes.

Ce que je sais et qui reste une conviction indéboulonnable c’est la vérité que véhicule ce proverbe africain : Si la cuisson du couscous dure longtemps, c’est que la viande est succulente . Autrement dit, qui veut réaliser un bon travail ne doit pas le faire à la hâte. Conséquemment, s’impose au football Béninois la soumission et l’obéissance aux valeurs cardinales du travail. Or, dans le contexte qui est le nôtre, l’environnement du ballon rond se donne à voir comme un lieu certain où l’instabilité, l’immédiateté, l’instantanéité, la versatilité, la spontanéité, l’inconstance ont établi leur règne, règne de l’impasse avérée.

Allons plus loin. Au Bénin le mal est symptomatique et tellement profond. Ici, le football scelle le pacte avec la croyance à la négation des valeurs footballistiques.

En fait de négation des valeurs, le poids et l’influence des phénomènes paranormaux, irrationnels sont énormes : fétichisme, gris-gris, Dieu aussi est invité et représenté manu militari au moyen des chapelets catholique et musulman. Tout passe !

- Tout passe au mépris de la sueur, de la course, de l’ascèse, des sacrifices et des efforts sportifs. Tout passe au détriment du dépassement et du surpassement de soi. Si la certitude du bo ( fétiche, gris -gris) était avérée , si le bo assurait vraiment la victoire, si le bo était une évidence absolue, le Bénin sportif planerait sur l’échiquier mondial. Plus besoin d’admirer et applaudir Drogba nous en aurions chez nous. Plus de besoin de capter l’écran télévisuel pour aduler Eto’o, Essien et Milla. Nous en aurions chez nous. Jamais Messi, Platini, Maradona, Ronaldo, Ronaldhino ne connaîtront d’autre terre de naissance que le béni quartier latin de l’Afrique. Malheureusement, avec la puissance du bo nous n’avons jamais gagné un trophée au plan régional pour espérer s’adjuger un titre continental. Avouons- le, nous sommes sortis de la noyade il y a seulement à peine sept ans avec la première qualification à la CAN de 2004 pour être plus précis.

Bien plus, l’éléphant qui sort à peine de sa crise politico-sociale et qui a barri sous ce soleil béni du Dimanche 5 juin mérite de notre part gratitude, reconnaissance. Nous lui devons un sincère merci car la démonstration exhibée par ses trompes sans même forcer ses talents nous renvoie à l’essence et à l’essentialité du ballon rond. Cet essentiel n’est rien d’autre qu’une prise de conscience et une maîtrise de ce qu’est devenu le football moderne.

En un mot, le football est une science caractérisée par un minima d’incertitudes et d’inexactitudes. Les triomphateurs et les vainqueurs que nous adulons à la télévision connaissent la valeur de l’effort, le dédain pour la paresse, la haine pour la tricherie. On gagnera en méditant la vérité philosophique de Descartes. On ne domine la nature qu’en lui obéissant. En tentant le parallélisme, on dira qu’on ne domine au football qu’en obéissant aux lois basiques, aux règles élémentaires, aux principes initiatiques, grammaticaux, préliminaires, de cette discipline.

Les britanniques disent, pour apprendre l’Anglais à John il faut connaître qui est John. Dans la même veine, pour les lendemains meilleurs du football béninois, il faut décrypter, connaître qui a le génotype et le phénotype footballistique idéal pour une gestion sereine, apaisée et prometteuse.

Je ne suis pas certain que notre devenir repose sur les voltes face et les sempiternelles crises.

Je ne suis pas sûr que notre football écrira ses lettres de noblesse avec l’encre de l’aveuglement, de la cécité, de la paresse, de la tricherie, de l’improvisation et de l’absence du patriotisme.

Je ne suis pas sûr que les phénomènes irrationnels, paranormaux nous ouvriront les portes de la gloire.

Avouons- le notre religiosité et nos prières dans le giron sportif souffrent cruellement d’une grande carence d’éthique et d’avitaminose de probité sportive.

En effet, notre  » Dieu  » du football au Bénin, s’accommode, et est en symbiose, en synergie parfaite avec notre mentalité de tripatouilleurs et de tricheurs. En clair, nous voulons associer Dieu à un triomphe, une victoire sans gêne, sans labeur, sans peine. Que le vrai Dieu nous préserve de ce mal perfide. L’enseignement coranique nous interpelle à juste titre : Dieu ne change jamais une société tant que ceux qui la composent ne se changent pas eux-mêmes ( Coran Sourate XIII verset 12). Il s’ensuit que le divin ne compose pas avec l’humain passif, atone, amorphe. Le divin ne compose pas avec l’humain attendant tout du Ciel sans remuer la terre.

En définitive, le Dieu qui nous fera goûter aux délices de la gloire est celui dont parle St Matthieu dans son chapitre25 verset 14 à 30 ( l’Evangile des talents)

A y regarder de près, il apparait comme le Dieu des travailleurs. C’est un Dieu juste, raisonnable, prévoyant, planificateur, gestionnaire, réaliste, méthodique, scientifique, anticipateur. Il suffit de nous inscrire à son école pour enterrer définitivement le match de la honte programmée.

Il nous faut amorcer la descente. Allons donc à l’école de la sagesse. En effet, aux lendemains de l’élimination des ivoiriens de la CAN 1984, le bélier de Yamoussoukro Nanan Président feu Houphouet Boigny prophétisait ainsi : les éléphanteaux deviendront des éléphants. Je prie le Dieu du travail et de la persévérance qu’advienne un jour le fruit de mes rêves : un jour sur le lieu de la honte programmée et sous un soleil béni les écureuillettes deviendront des Ecureuils.

Vive le football, vive le fair-play

Sportivement,

Père Jean-Marie Harry HOUEZO

Eudiste, Curé de la paroisse Ste Thérèse de l’Enfant Jésus Godomey.

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